Face à l’injustice, l’indignation ne suffit pas : elle doit devenir solidarité. Mais attention, pas la solidarité de façade qu’on exhibe dans les galas de charité ou les campagnes de communication. La vraie solidarité, celle qui coûte.
La solidarité n’est pas une charité qui apaise les consciences en distribuant quelques miettes. Elle est une responsabilité active, qui s’ancre dans la conviction que ma liberté et ma sécurité n’ont de sens que si l’autre peut aussi vivre libre et digne. C’est révolutionnaire comme idée, non ?
À Madagascar, cette idée est au cœur du fihavanana : ce lien social qui nous rappelle que nul ne vit pour soi seul, et que le sort de l’un engage la communauté entière. Dans le monde arabe, l’Oummah exprime une conviction proche : l’injustice contre un peuple est une injustice contre l’humanité entière. Belles paroles… mais qu’est-ce qu’on en fait concrètement ?
Ces principes culturels rejoignent l’éthique universelle : la solidarité est le seul antidote à la négation de la dignité humaine. C’est pourquoi la mobilisation internationale pour Gaza devrait trouver un écho dans la mobilisation nationale et continentale contre les inégalités. Mais voilà, c’est plus facile de manifester pour une cause lointaine que de remettre en question les privilèges du quotidien.
Prenons l’exemple malgache. Combien de ceux qui s’indignent (à juste titre) du sort des Palestiniens s’indignent-ils aussi du fait que leurs compatriotes n’ont pas accès à l’eau potable ? Combien de ceux qui dénoncent l’occupation de Gaza dénoncent-ils aussi l’accaparement des terres malgaches par des intérêts étrangers ? Combien de ceux qui réclament justice pour les victimes de bombardements réclament-ils aussi justice pour les victimes de la malnutrition ?
La solidarité véritable exige de sortir du confort de l’indignation sélective. Elle demande de comprendre que les mécanismes qui produisent l’injustice à Gaza et l’injustice à Madagascar ne sont pas si différents : logiques de domination, instrumentalisation des populations, priorité donnée aux intérêts géopolitiques ou économiques sur les droits humains.
Mais cette solidarité-là dérange, parce qu’elle oblige à regarder en face nos propres contradictions et nos propres complicités.