Notre époque souffre d’une incohérence morale chronique. Certains crient justice pour Gaza, mais détournent le regard du sordide d’Andavamamba … Quand d’autres qui disent être choqués de la pauvreté et des inégalités, restent silencieux devant les massacres lointains…. Est-ce vraiment normal ?
Cette schizophrénie éthique en arrange bien certains. C’est celle-là même qui bâtit des bonnes consciences à peu de frais à coups de réseaux sociaux, de posts Instagram ou FB… Mais qui ne change rien. L’indignation n’est plus qu’un produit de consommation comme un autre.
L’éthique véritable exigerait d’élargir le périmètre de notre compassion. Elle demande de comprendre que la lutte contre l’oppression, où qu’elle se trouve, participe d’un même combat. Non pas pour confondre toutes les situations ? chaque contexte a sa singularité ? mais pour refuser la hiérarchisation des vies humaines.
Hannah Arendt avait diagnostiqué le mal radical : rendre des vies « superflues ». À Gaza, ce mal prend la forme d’un génocide programmé. À Madagascar, il prend la forme d’un abandon structurel organisé. Deux réalités différentes, mais qui posent la même exigence : refuser que des vies soient traitées comme insignifiantes.
Cette cohérence dérange. Elle oblige à sortir du confort de l’indignation sélective. Elle force à reconnaître que le système qui permet à certains de vivre dans l’opulence pendant que d’autres crèvent dans la peur et la misère, quand ce n’est pas sous les bombes, n’est pas un accident de l’histoire… Il s’agit d’ une construction politique qu’on devrait pouvoir déconstruire … A condition de le vouloir profondément.
À Madagascar, cette cohérence impliquerait de reconnaître que la « géopolitique du pauvre » dans laquelle s’enlise le pays n’est pas une fatalité. Reconnaître que les accords léonins avec les multinationales ou certaines puissances étrangères, que la dépendance aux bailleurs de fonds, que la corruption endémique… tout cela participe du même système qui maintient et entretient les inégalités.
Il est peut-être plus facile de pleurer sur Gaza que de remettre en question les mécanismes qui maintiennent Madagascar dans la pauvreté. Plus facile de s’indigner de l’occupation militaire (sans minimiser le moins du monde son horreur absolue) que la domination économique. Et plus simple de s’indigner contre la violence visible que contre la violence structurelle.