LFI Madagascar

Indignation et universalité : quand les images nous rattrapent

Certaines images marquent et devraient nous empêcher de dormir… Moi, personnellement, elles m’empêchent (souvent) de dormir… À Gaza, ce sont les immeubles réduits en poussière, les hôpitaux bombardés, les personnes les plus vulnérables et les enfants fauchés, mutilés… Ce sont les émeutes de la faim …. C’est l’horreur immédiate, brutale, médiatisée : un peuple soumis à la guerre et à un régime d’occupation qui confine au génocide. On regarde les caméras tourner… et on s’indigne… ( [1])

À Madagascar et dans tant d’autres pays africains, sans les caméras en continu, les images ne montrent (pas toujours) ni explosions, ni destructions, ni amputations. Mais « seulement » des visages d’enfants creusés par la faim, des mères sans abri, des paysages urbains délaissés et pollués, des familles du Sud face au Kere. Ici, la mort avance à bas bruit… Pas de breaking news pour annoncer qu’un enfant malgache vient de mourir d’un manque de soins médicaux.

Et quand Israël parle de mensonge quant à la famine à Gaza, le pouvoir malgache menace les journalistes qui enquêtent sur les morts suspectes d’Ambohimalaza. On n’a pas besoin d’aller au Moyen Orient pour rencontrer le cynisme le plus révoltant … « on a les mêmes à la maison ».

Ces deux réalités ne doivent jamais être confondues. On ne s’y trompera pas. Rien n’équivaut à l’horreur d’une guerre et aux massacres collectifs qu’elle entraîne. Mais Gaza et Madagascar posent, chacune à sa manière, une même question fondamentale : que vaut une vie humaine dans l’ordre des choses de ces grands ? Et pourquoi certaines vies font- elles plus de bruit que d’autres quand elles s’éteignent ? Quoiqu’on peut parfois se demander si un équivalent de l’arme de la faim mise en œuvre par Israël à Gaza n’est pas ici, à, Madagascar, délibérément utilisée pour conférer à qui on sait plus de pouvoir de manipulation des masses pauvres.

Spinoza décrivait l’indignation comme un affect politique puissant : la douleur ressentie devant l’injustice faite à autrui. Nous nous indignons devant Gaza, parce que la violence est insoutenable et qu’elle passe en boucle sur nos écrans. Nous nous indignons aussi, parfois, devant la pauvreté endémique, quand ses visages nous apparaissent trop proches ou quand un reportage nous rappelle brutalement la réalité.

Mais l’indignation seule est fragile : elle monte avec les images insupportables, puis retombe avec la prochaine actualité. Aujourd’hui Gaza, demain l’Ukraine, après-demain le Soudan… Et Madagascar ? Madagascar reste dans l’angle mort de l’indignation mondiale. Pas assez spectaculaire, pas assez géopolitique, pas assez… vendeur. La misère semble trop souvent rester dans l’angle mort des préoccupations du pouvoir malagasy au bénéfice de ses enjeux d’image … et d’enrichissement personnel.

La vraie éthique commence quand l’indignation se transforme en responsabilité. Quand on arrête de zapper entre les tragédies pour comprendre ce qui les relie.