Faire peuple

Nous devons tous surmonter la crise écologique. Il y a un seul écosystème compatible avec la vie humaine donc il y a un intérêt général humain. La vie humaine n’est pas séparée du reste de la nature. Elle est toute entière enchâssée dans les cycles biologiques, biophysiques et géologiques qui l’ont vu naître. Ces cycles sont aujourd’hui perturbés par une réalité destructrice : le capitalisme. Sa logique infernale est celle d’une soumission de tous les rythmes, humains et non humains, au seul cycle du profit lui-même en accélération permanente. Il faut remettre en harmonie les cycles de notre production, de notre consommation et de nos échanges avec les grands cycles écosystémiques. Découle de ce but la règle verte : ne jamais prendre à la nature davantage qu’elle ne peut reconstituer sur une période donnée. Mais ce n’est pas tout : il faudra aussi réparer les dégâts, régénérer là où c’est possible, la nature détruite. Pour cela, la nouvelle France doit se fixer l’objectif de rompre avec le capitalisme. Et de substituer à la dictature des actionnaires un outil d’intérêt plus collectif pour guider l’économie : la planification écologique.
Changer le rapport à notre inclusion dans le monde naturel, c’est aussi ouvrir le chapitre d’une nouvelle ère des droits : les droits de l’espèce humaine. Cette expression désigne les droits associés à notre nouvelle condition écologique d’êtres humains. C’est le droit à l’eau potable et à l’air pur. Ou celui à un accès sécurisé et garanti à une alimentation saine. Mais aussi le droit à la nuit et au silence sans lesquels nos organismes ne peuvent pas rester en bonne santé. Il s’agit de la nouvelle frontière des droits sociaux. Ils impliquent la rénovation des logements passoires, la conversion de notre agriculture, l’éradication de la pauvreté, la gratuité de la cantine scolaire, la gestion commune de l’eau et de son assainissement. Les droits de l’espèce appellent un bouleversement du rapport à la propriété et à l’action publique.
Puisque nous entrons dans une période de grande incertitude, il nous faut construire la société de l’entraide. Cette aspiration existe déjà. La nouvelle France mettra en place une révolution fiscale pour répartir l’effort entre tous selon les revenus. Elle fera enfin payer aux ultra riches une juste contribution. Elle relèvera l’hôpital, l’école et débutera une nouvelle ère d’extension des services publics. Ils doivent vraiment garantir à chaque personne l’égalité d’accès aux droits et aux réseaux essentiels à la vie moderne. Et cela quel que soit son statut, ses revenus, son patrimoine, son lieu d’habitation. Sur ce plan la France est revenue en 1788 : la dette publique due aux cadeaux faits aux ultra riches est impayable, les privilégiés refusent de prendre leur juste part à l’effort nécessaire et le monarque agit pour un retour au pouvoir absolu.
Pour faire tout cela, il faudra profondément changer de logique économique. Fini la compression des salaires, la précarisation des statuts, la maltraitance sociale et la panne d’investissements. La relance de l’activité par la consommation populaire et l’investissement public entraînera les entreprises par leurs carnets de commandes. Notre indépendance doit être un objectif de la politique économique. Ce que nous pouvons, nous devons le produire nous-même. L’instauration d’un protectionnisme solidaire protègera l’industrie d’une concurrence déloyale ou fondée sur le non-respect des droits humains ou l’extractivisme forcené. La réindustrialisation n’est pas un objectif général en soi : c’est un moyen pour construire une économie au service des besoins qu’il faut nommer et dont il faut planifier la satisfaction.
Pour finir, il faut bien s’y résoudre : pour que cela change, il faut tout changer. Et d’abord le plus important : le pouvoir. Il faut en finir avec des institutions qui permettent aux dirigeants de piétiner la souveraineté populaire, même lorsqu’elle s’exprime dans des élections. À nouvelle France, nouvelle république. La convocation d’une assemblée constituante pour passer à la 6e république est une manière pour elle de se refonder et de faire peuple. Elle se dotera des institutions adaptées à ses défis et non taillées pour ceux d’il y a trois générations. Elle se reconnaitra des droits communs au premier rang desquels celui d’avoir toujours des moyens d’intervenir dans les institutions : référendum d’initiative citoyenne et référendum révocatoire. La nouvelle Constitution sera l’occasion de graver dans le marbre la liberté de chacun pour choisir entièrement sa vie : droit à l’avortement, liberté de genre et droit à mourir dans la dignité.
La France est faite depuis toujours du bois dont est fait ses habitants. Nous qui l’incarnons aujourd’hui, nous avons tous la France en nous. Nous sommes tellement fiers lorsque dans le monde on regarde la France parce qu’elle a fait quelque chose d’utile. Notre cœur se serre quand ses dirigeants l’humilient ou lui font endosser des positions contraires à nos principes universels. Nous voulons continuer avec enthousiasme l’héritage français si c’est celui de la Grande révolution, des droits humains, de la lutte contre l’esclavage ou de la résistance au nazisme. Mais nous voulons aussi assumer l’héritage universel des luttes contre la domination coloniale. La France est pour nous trois mots : liberté, égalité, fraternité. Alors si une nouvelle France doit naître, c’est pour les réaliser pleinement. La France est à nous. Nous tous.